
DELUGES, 4ème épisode : L’OCCUPATION DE LA PRINCIPAUTE, SUITE ET FINS
En cette fin de matinée, la grande majorité des manifestants avaient donc quitté Monaco pour se rendre à la conférence alternative qui se tenait non loin de là, sur le territoire français.
Après bien des recherches infructueuses, les organisateurs de cette conférence avaient fini par trouver sur les hauteurs de La Turbie, la commune française jouxtant Monaco au Nord, un grand espace situé dans l’immense propriété d’une personnalité médiatique dont nous tairons ici le nom, connu de tous. La soudaine révélation d’une fibre climatophile chez ce people parmi les people ne l’avait pas empêché de louer au prix fort cet espace aux militants qui y avaient installés chapiteaux, stands, podiums, éoliennes et toilettes sèches.
Cette solution arrangeait bien les autorités. Cet abcès de fixation des contestataires devait permettre d’éviter que ceux-ci ne tentent de s’en prendre à Monaco. Mais certains de ces contestataires s’y étaient pris quand même, sous la forme que l’on sait.
C’est quelques jours avant le début de la conférence, que Jeanne-Maria Mercié avait retrouvé à cet endroit les membres du Collectif auquel elle appartenait. Elle avait participé aux discussions qui avaient précédé l’ouverture de la conférence officielle, alors qu’affluaient sans discontinuer de nouveaux arrivants, un nombre bien plus important que prévu, dépassant toutes les espérances. Alors, pourquoi ne pas profiter du nombre pour occuper la Principauté ? Les discussions furent passionnées entre celles et ceux qui disaient qu’il fallait bloquer la conférence, l’empêcher de se tenir, et d’autres qui voulaient juste faire une démonstration de force le jour de son ouverture, pour ensuite revenir aux choses sérieuses, la construction du mouvement dans le cadre de la conférence alternative. Jeanne-Maria défendait cette option. C’est finalement celle qui l’emporta, malgré l’opposition d’un forte minorité.
Elles et ils s’étaient levés avant l’aube. Au lever du soleil, le petit groupe CATA auquel appartenait Jeanne-Maria avaient quitté la tente collective dans lequel il avait passé la nuit et marché vers la mer. La jeune femme garderait longtemps un souvenir émerveillé de cette descente en direction de la côté méditerranéenne, de cette marche au cœur du magnifique panorama qui s’étend depuis le massif de l’Esterel jusqu’à l’Italie ; le passage au pied du Trophée des Alpes, imposant monument élevé en l’an 6 avant Jésus-Christ en l’honneur d’Auguste, empereur de Rome et des Gaules, au point culminant de la via Julia Augusta ; la joyeuse dégringolade par les rues de Beausoleil, par les anciens chemins de contrebandiers ; l’apparition du premier barrage de police qu’il avait fallu éviter ; l’arrivée sur la place du Casino de Monte-Carlo et, bouquet final, le blocage du Grimaldi Forum.
Quelques affrontements avaient eut lieu, des échauffourées sans gravité, suite à quelques provocations ou à des mouvements d’énervement, dont les médias avaient évidemment fait leur miel, leurs choux gras, leur pain béni. Mais il leur avait été impossible de cacher la réussite de l’occupation de Monaco et encore moins le succès sans précédent qu’allait connaître la contre-conférence.
Bien entendu, il y avait eut dans le groupe CATA une discussion animée sur l’altercation avec le représentant de MST. La plupart des membres du groupe désapprouvaient le geste du garçon qui avait frappé ce type, même si dans leur for intérieur ils n’étaient pas mécontents que cet accès de violence ait permis de remettre à sa place ce valet du capital.
Quant au valet du capital lui-même, il avait certes cherché à comprendre ce qui se cachait derrière ces quatre lettres, C A T A, qui lui étaient apparues dans une si fâcheuse circonstance. Une recherche sur Internet ne lui apprit pas grand’chose. Tout au plus, une référence sur un site internet alimenté par un petit groupe d’activistes de la région parisienne qui, se définissant sous le terme de Communauté Alternative Totalement Autogérée, géraient une ferme collective dédiée à l’agriculture biologique, située sur le territoire de la commune de Saintreuil-sur-Seine, en Seine-et-Marne. Ce groupe appelait à se mobiliser à l’occasion de la conférence de Monaco.
D’autres urgences le sollicitant, Herwan ne chercha pas à en savoir plus. Quand la bosse sur sa tête eût totalement disparu, il avait déjà complètement oublié ce douloureux épisode.