Déluges, 6ème épisode. AU SIEGE DE MST

, par adorde

La conférence de presse était prévue à 11 heures du matin au siège de l’entreprise MST. Pour être certains d’arriver à temps, Jeanne-Maria, Ernesto, Aurélia, Adrienne et Benoît quittèrent Saintreuil dès six heures. Aurélia conduisait la camionnette. Adrienne et Benoît, les deux piliers du collectif Mezidon-Trognon étaient assis à ses côtés. Derrière, dans le fourgon, Jeanne-Maria et Ernesto se tenaient dans une position inconfortable, entre le matériel et la banderole. A cause de ce matériel à emporter, il leur avait bien fallu sortir la vieille fourgonnette TUB Citroën qui roulait à l’huile de friture et prendre la route nationale, puisque ce genre de véhicule n’est pas le bienvenu sur l’autoroute.
Jusqu’à la sortie de Melun, la circulation resta relativement fluide. C’est à partir de là que les choses se gâtèrent. L’embouteillage qui avait commencé à se former était encore plus dense que d’habitude, l’orage qui n’avait pas cessé durant toute la nuit et avait rendu la chaussée dangereusement glissante n’arrangeait pas les choses. Alors que le jour venait juste de se lever, la chaleur ne cessait de monter. A midi, elle serait accablante.
- Moins y’a d’pétrole, plus y’a d’bagnoles ! claironna Jean- Ernesto.
- Ouais, dont la nôtre, fit remarquer Aurélia.
- Ben ouais, reprit Adrienne. Mais nous, c’est pour la bonne cause, et on roule à l’huile naturelle.
- Regardez-moi ça, des camions, des camions, encore des camions ! s’exclama Jean- Ernesto.
- Et pour livrer quoi, demanda Aurélia ?
- De la cam’lote, de la cam’lote, encore de la cam’lote ! lancèrent en chœur nos deux tourtereaux, se faisant écho du tac au tac de la cabine au fourgon.
- Je vous avais dit qu’il fallait partir plus tôt, renchérit Jean- Ernesto. On va finir par le rater, le début de la conférence.
- Le début, Jean-Ernesto ? répondit Jeanne-Maria. Tu veux que je t’en donne la primeur ? Je l’entend déjà, Herwan Messager. Je connais son baratin par cœur. Ça donnera quelque chose du genre, poursuivit-elle, en prenant le ton le plus sérieux possible, descendant dans les graves : la géoenginierie, c’est la solution, que dis-je La Solution, au réchauffement climatique. Et en même temps, c’est une véritable corne d’abondance qui va nous offrir une relance sans précédent de la croissance et de la compétitivité.
- Ah oui, surtout ça, la relance de la croissance ! s’exclama Benoît.
- La croâssance, la croâssance, la croâssance ! surenchérirent Aurélia et Jean- Ernesto, suscitant un fou rire général..

Par la départementale 306, il arrivèrent enfin à Lieusaint, prirent la nationale 6 qui les amena à l’entrée de Paris par la porte de Charenton. Suivant les quais rive-gauche, ils parvinrent enfin dans le quartier où se situait le siège de MST. Un bâtiment en triangle situé dans le 15ème arrondissement de Paris, sur la rive-gauche du fleuve, entre l’avenue Emile Zola et le quai André Citroën, à l’extrémité ouest du quartier Baugrenelle, non loin de la station de métro Javel et du pont Mirabeau sous lequel, comme chacun sait, coule la Seine. Un bâtiment flambant neuf à l’architecture audacieuse, bien visible à l’entrée de la promenade piétonne que la Mairie de Paris avait aménagé tout au long des quais rive-gauche.
Ils garèrent la camionnette au plus près qu’ils purent, ce qui eut pour effet de répandre dans ce secteur plutôt aseptisé une odeur de frites de fort bon aloi. Jeanne-Maria se dirigea vers l’entrée du bâtiment, tandis que les autres se préparaient dans l’attente de son retour.

Quand Jeanne-Maria entra dans la salle, la conférence de presse avait déjà commencée. Une dizaine de journalistes y assistaient. Un power point défilait sur un écran situé derrière l’estrade où se tenait Herwan Messager, entouré de plusieurs collaborateurs. Herwan, à qui rien n’échappait, marqua une légère pose à l’entrée de cette jeune femme très brune, vêtue d’une robe claire, qui s’asseyait au fond de la salle. Une légère pose, puis il reprit le cours de son discours
- Et oui, mesdames et messieurs, ce qui n’est pas la moindre des choses, ce projet ouvre la voie à l’une des solutions permettant de contribuer aux objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Il s’agit, et de loin, de la première solution en termes de stockage du CO2. C’est, je l’affirme, une des solutions majeures pour combattre le réchauffement climatique. En même temps, je le répète, c’est une véritable corne d’abondance qui va nous offrir une relance de cette croissance dont nous avons tant besoin, qui va nous permettre de booster de façon complètement vertueuse la compétitivité de notre économie.