GPII. Les grands projets inutiles et imposés
Les grands projets inutiles se multiplient à une vitesse sans précédent. Cette explosion touche presque tous les secteurs d’activités et porte atteinte à nos territoires : terres sacrifiées, standardisation, dettes, pollutions, injustices sociales…
Dans cette logique financière mondiale et féroce qui est en marche, ultime goinfrerie des plus riches, le seul critère retenu pour avaliser un projet est sa rentabilité financière, dans un contexte de concurrence entre les mégalopoles, de recherche d’une croissance aveugle fut-elle repeinte en vert.
Rien à voir donc avec les besoins réels d’un territoire, d’une population.
Rien qu’en France, une centaine de grands projets inutiles et imposés ont été répertoriés à ce jour.
Beaucoup de ces projets sont liés à la circulation des flux (marchandises, classe affaire, énergie…), l’attractivité d’un territoire se mesurant dorénavant à la quantité de connexions établies avec le reste du monde et la compétitivité se mesurant à la vitesse de circulation des flux.
C’est ainsi que l’aéroport de Notre Dame des Landes serait le 145ème aéroport en France !
Qu’importe, la destruction d’une zone humide, de terres agricoles et de plusieurs espèces protégées, qu’importe l’urgence climatique, qu’importe le gaspillage d’argent public, Nantes (capitale verte !!!) ambitionne de devenir un grand pôle européen et c’est à ce prix ; VINCI profitera de cette aubaine.
Les lignes à grande vitesse (Lyon-Turin, Bordeaux-Toulouse …) ou les projets autoroutiers (contournement de Strasbourg, l’autoroute Lyon-St-Etienne…) participent de la même logique.
Alors que la consommation globale d’électricité diminue en France depuis plusieurs années, les lobbies du nucléaire s’acharnent à nous imposer une production croissante d’électricité qui induit de grands projets inutiles imposés et nuisibles voire dangereux : EPR, grands parcs éoliens… et les lignes THT qui sont associées : 7000 nouveaux km de ligne THT se profilent, avec comme corollaire, un réseau toujours plus centralisé et toujours plus concentré dans le giron des multinationales.
Et comble de cynisme, on sacrifiera le territoire de Bure et environs pour enfouir profondément les déchets nucléaires, au mépris des risques potentiels pour la population et de son coût exorbitant ; plus exactement, il s’agit de dissimuler ces déchets pour que perdure le business du nucléaire !
Le secteur agricole n’est pas épargné par ce schéma de concentration du pouvoir et des richesses. Les nombreux mégaprojets de fermes industrielles tuent l’agriculture paysanne, détruisent les terres, polluent l’air et les nappes phréatiques, martyrisent les animaux et mettent la santé des populations en danger par une alimentation dégradée. L’usine des mille vaches dans la Somme ou celle des 25 000 porcs en Bretagne en sont de sinistres témoins.
Les secteurs du tourisme et loisirs et celui du commerce drainent aussi leur lot de projets aussi pharaoniques qu’inutiles : (Europa City à Gonesse, Lillénium à Lille, Oxylane dans le Loiret…).
Quels sont les points communs à tous ces projets ?
Ils sont au mieux surdimensionnés par rapport aux besoins des territoires, au pire, complètement déconnectés des besoins et des préoccupations des citoyens. L’aéroport de Notre Dame des Landes ne profitera qu’aux classes affaires et aux touristes mais induit la destruction de biens communs, précieux pour ce territoire : zone humide, terres agricoles… l’expulsion de paysans habitant réellement ce lieu, et y crée un climat délétère.
De façon récurrente, les coûts annoncés lors de la présentation des projets sont sous-estimés pour une meilleure acceptabilité des élus et de la population et seront maintes fois réévalués. Les contrats de partenariat public/privés PPP sont écrits sur mesure pour garantir les profits des entreprises retenues, au détriment des collectivités territoriales, qui doivent quand même dès le début mettre la main à la poche des contribuables. Les sommes en jeu sont colossales et les budgets liés à la solidarité sont les premiers amputés. Or ces choix politiques ne sont que rarement discutés démocratiquement.
Par ailleurs, les enquêtes d’utilité publique ne sont que des parodies de démocratie, les décisions étant le plus souvent prises en amont. De toute façon, par définition, elles n’ont pas de force légale, même si elles sont contraires aux prévisions.
La perversité de la novlangue technocratique (l’aménagement du territoire qui se substitue à la destruction d’une zone naturelle…), l’accaparement de l’espace public par les décideurs (communication institutionnelle), les plans d’accompagnement des projets (43 communes autour de Bure perçoivent actuellement 500 € par an et par habitant !), des promesses d’embauche largement surestimées, se révèlent des aides précieuses pour convaincre les élus et les populations du bien-fondé de ces projets.
La plupart des scientifiques tirent les sonnettes d’alarmes : les changements climatiques s’avèrent irréversibles et plus catastrophiques à mesure que nous persistons dans cette voie de gabegie énergétique. Malgré cela, les beaux discours de nos gouvernants lors de la COP21 à Paris ont juste servi à masquer l’abandon de la cause climatique aux multinationales. On s’obstine à construire des aéroports et des autoroutes alors qu’il est urgent de limiter l’utilisation des énergies fossiles, à consommer des volumes inconsidérés de béton (850 000m3 de béton nécessaire à la réalisation des ouvrages (ponts, bretelles d’accès…sur la ligne Tours-Bordeaux) dont la production est très émettrice de gaz à effet de serre, à développer l’agriculture industrielle productrice de méthane.
Quant au gaspillage des ressources que ces projets entrainent, il est scandaleux d’une part au regard des besoins minimums des générations futures et d’autre part au regard du pillage des ressources des pays les plus pauvres (terre, sable, métaux, uranium, énergie fossiles…) et des contorsions géostratégiques que cela implique.
L’effondrement de la biodiversité n’est jamais pris en compte et le système des compensations est un véritable permis de détruire (suprême arrogance que prétendre déplacer ou recréer un milieu naturel !), une escroquerie qui a permis, en parallèle, le développement d’un marché juteux supplémentaire.
Les luttes contre ces grands projets.
Compte tenu des effondrements (climatique, social, politique, culturel, environnemental…) qui s’annoncent, il est impératif de sortir l’aménagement des territoires de la mainmise des grands lobbies et du projet capitaliste et techno-scientiste dans lequel il s’inscrit. Les dégâts qu’occasionnent ces grands projets étant irréversibles, s’opposer c’est tenter à minima de sauver ce qui peut l’être.
Depuis quelques années, de Notre Dame des Landes à Bure ou dans le Val de Suse en Italie, de nouvelles formes de luttes émergent, conjuguant des moyens d’action d’intensité et de nature différentes, tous complémentaires.
Des citoyens et des associations se sont emparés des dossiers, allant jusqu’à une expertise intéressante qui leur permet à la fois de relayer l’information et de contrer les mensonges des porteurs de projets (par exemple, la mise en lumière du potentiel géothermique, à Bure, contrairement à ce qu’affirmait l’ANDRA) ou de porter des actions juridiques qui retardent les projets et donnent du temps à la mobilisation : 60 000 personnes présentes à Notre Dame des Landes en Février 2014 pour s’opposer à la construction de l’aéroport et de nombreux « comités ZAD » partout en France qui démultiplient l’information et agissent localement.
Parallèlement, des actions plus déterminées et plus offensives se mettent en place : de la grève de la faim des « expulsables » de Notre Dame des Landes à l’occupation de la zone d’aménagement différée rebaptisée « zone à défendre » ou ZAD, des actions de sabotages (destruction du mur de la forêt de Mandres…) à la confrontation avec les forces de l’ordre (lors de l’opération CESAR, par exemple). Toutes ces actions sont des composantes nécessaires de la lutte.
Ce qui s’expérimente sur les ZAD, c’est le projet collectif de reprendre la main sur le territoire, de l’habiter, être prêt à le défendre. Alors, se dessine un monde hors de la domination de l’économie, où les activités humaines sont repensées au regard des besoins et des désirs des habitants. Tous ceux qui sont passés sur la ZAD ont été touchés, à la fois par la poésie des lieux, ses habitats faits de bric et de broc, par les multiples activités qui s’y sont développées (maraichage, boulangerie, fromagerie, médic…), un monde où les cantines sont à prix libre et les nombreuses discussions et assemblées rythment le quotidien, où les décisions se prennent collectivement. Même si les choses sont perfectibles, c’est un mode politique balbutiant et enthousiasmant.
L’individualisme, le consumérisme, le travail, la vitesse… ont rendu nos vies si insipides et vides de sens que cette porte ouverte libère notre imaginaire ; il est porteur d’espoir.
Nos gouvernants ont bien compris ce qui se joue sur ces lieux si particuliers : affirmer que le capitalisme techno-scientiste n’est pas le seul modèle de société possible, malgré ce qu’ils nous assènent depuis si longtemps ! affirmer que des sociétés plus justes, plus soutenables et plus désirables sont à portées de main et l’expérimenter. De plus, les projets se multiplient, entrainant mécaniquement une multiplication des oppositions et leur convergence est en marche !
Paniqués par le spectre de la perte de leurs privilèges et de leur pouvoir, ils usent du remède du plus fort : la répression.
Les blessés ont été nombreux lors de l’opération CESAR, les condamnations ont été systématisées, le contrôle et le fichage des opposants n’a pas de limite.
Les médias, aux ordres, ont été des complices assez zélés pour transformer les paysans, maraichers et autres cuisiniers de la ZAD en de dangereux casseurs aux yeux d’une bonne partie de l’opinion.
Toutes ces dérives ont, en fait, renforcé les liens entre les différentes composantes des luttes contre les GPII…
Ce qui se joue dans ces luttes, ce n’est pas une « radicalisation » des jeunes en particulier, c’est un refus radical du monde capitaliste comme seule perspective !