
Les racines historiques de la catastrophe climatique qui se précise. (1)
L’art de résumer ces 6 000 dernières années où une étrange partie de l’humanité a pris les mauvaises décisions par cupidité.
Comment s’est peu à peu mis en place le totalitarisme.
Comment ce totalitarisme entre maintenant dans sa phase la plus implacable, dopé par les outils électroniques désormais à sa disposition.
Soit l’État, comme technique de gouvernement, de maintien dans l’obéissance de collectivités humaines de taille… inhumaine. Ce qui sous-entend que la taille humaine (étudiée par Philippe Gruca de la revue Entropia, et spécialiste de Gunther Anders, et Olivier Rey « Une question de taille » Stock 2014), est cette taille modeste qui permet aux humains de s’organiser sans avoir à s’incliner devant une structure hiérarchique et donc inégalitaire. Dès que s’installe la démesure, l’Hubris en grec, commence la domination de quelques-uns sur la majorité, et l’usage de la force (police, armée…) pour assurer cette domination. La démesure est là dès que le nombre d’êtres humains est trop important pour l’exercice de la démocratie directe et la prise des décisions à l’unanimité des membres de la communauté concernée, tous et toutes présents à la réunion, une réunion de personnes qui se connaissent bien car elles partagent chaque jour une vie conviviale, ce qui suppose proximité, familiarité et intimité.
Jadis ces groupes de co-habitants parlaient la même langue, et étaient fiers d’être « eux », donc de langue différente des « autres », la langue étant un marqueur d’identité, vécu comme le plaisir de la chaleur humaine, chaleur ressentie qu’à l’échelle de la familiarité, de la vie locale, à portée de voix. Et les enfants étaient habitués dès le plus jeune âge à être plurilingues, ce qui permettait la communication avec les peuples voisins… 6 909 langues dans le monde maintenant, à 90% parlées dans les espaces encore peu étatisés ou colonisés par la démesure occidentale. Les linguistes évaluent à 20 000 le nombre des langues parlées il y a 6 000 ans. (Source : Nicholas Evans : « Ces mots qui meurent », ed. La Découverte 2012.)
Dès que commence la folie de la puissance, la soif de pouvoir et de ses signes : la richesse qu’il faut exhiber par défi et concurrence ostentatoire, commence la démesure de la taille du groupe humain à soumettre et gérer. Les Puissants rêvent de conquètes jamais terminées : aller toujours plus loin, pour soumettre le plus de peuples possible, ramener le butin, les armées se payant sur le dos des conquis : pillages et rapines… Système de pillage qui, pour permettre sa pérennisation, va peu à peu se normaliser par le système de la ponction à intervalles réguliers : naissance des impôts et des taxes, avec un niveau d’acceptabilité sociale à entretenir en jouant toujours avec le feu des
« jacqueries » possibles si le Pouvoir tire trop sur la corde, exige trop des soumis.
L’Histoire (celle que racontent les manuels en Occident) n’est que l’histoire des conquètes et des constitutions d’États et d’Empires, l’histoire de l’ethnocide des peuples, méthode plus efficace que le génocide, car une fois mort, le peuple exterminé ne peut plus payer, mieux vaut donc soumettre sans tuer, ou tuer juste la quantité nécessaire pour effrayer (terroriser : but du terrorisme) et obtenir ainsi à moindre frais la reddition : les vaincus acceptent alors la
« pacification » qui va se concrétiser par l’acceptation du tribut à payer (rôle du « contribuable ») puis de l’impôt. Les Puissants découvriront au début du XIX e qu’il est plus efficace de faire travailler les vaincus sous le régime du salariat des ouvriers (salaire avec lequel l’individu doit subvenir péniblement à ses besoins), que sous le régime de l’esclavage : lire d’André Pichot : « De la Bible à Darwin, aux origines du racisme occidental » Flammarion 2008. Les vaincus seront autant les peuples traditionnels organisés en communautés paysannes quasi autarciques, en Europe, que les peuples exotiques découverts lors de la colonisation outre-mer ou outre Oural au XVIe siècle… Les peuples traditionnels d’Europe se rebelleront face à leur déportation dans les premières usines concentrationnaires par ces bris de machines qu’on appellera le
« luddisme », ou par des révoltes comme la « Guerre des Demoiselles » lorsque l’État de plus en plus totalitaire ira jusqu’à exclure les paysans des forêts qui assuraient jusque-là la moitié de leur subsistance, ou à les exclure des espaces gérés de façon collective : les « communaux », que les Puissants vont clôturer et s’attribuer : la privatisation par les « enclosures ». Ruiner les autarcies locales jettera sur les routes la main-d’œuvre dont va se repaître la révolution industrielle en marche, de la même façon que ces masses d’immigrés sub-sahariens qui tentent de plus en plus d’arriver en Europe malgré les noyades en Méditerranée. Rien de changé au cours des siècles, sauf que les ethnocidés viennent de plus en plus de loin !
Si ! Quelque chose a changé : la mise à disposition des Puissants d’outils électroniques de plus en plus efficaces pour détruire jusqu’au bout du monde les fiertés culturelles locales, et répandre le complexe d’infériorité. Des peuples jadis heureux, épanouis et auto-suffisants, fiers de leur mode de vie parfaitement adapté aux ressources locales, mode de vie écologiquement soutenable et donc pérennisable grâce à la sagesse d’une faible empreinte écologique, finissent par céder aux injonctions de la publicité et se mettent à croire qu’ils sont « en retard », mal placés sur l’échelle du « développement ». On lira à ce sujet les écrits de Majid Rahnema, d’Héléna Norbert-Hodge, de François Partant, de Françoise Dufour, de Gilbert Rist, de Serge Latouche et d’Alberto Acosta.
Des peuples heureux deviennent malheureux : ils sombrent dans le « besoin » car tout est fait pour créer de nouveaux besoins ; ils s’imaginent que la « vraie vie est ailleurs » : « Ailleurs c’est meilleur, loin c’est bien » : un slogan des adolescents Inuit de la Baie d’Hudson rapporté par Yannick Blanc, l’animateur de « pmo » à Grenoble.
Bouleversement psychologique (s’auto-intoxiquer par la croyance au caractère indispensable du mode de vie occidental) aggravé bien-sûr par l’irruption des hommes d’affaire colonisateurs qui vont détruire les économies traditionnelles et piller les ressources dont l’industrie européenne est affamée, imposer l’agriculture de rente, imposer une façon européenne de gérer des Etats, la structure « état » étant déjà par elle-même une forme de colonisation de l’imaginaire comme l’a montré Bertrand Badie (« L’état importé. Essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique » Fayard 1992), ces États tenus en laisse par le piège de la dette. Sans compter le déclenchement de l’explosion démographique par destruction de l’équilibre entre mortalité et natalité…
Donc finalement l’Histoire n’est que l’histoire de la mise en place du malheur, l’histoire d’une régression, l’histoire du recul du progrès, si par « progrès » on entend l’amélioration d’un mode de vie épanouissant, un mode de vie simple et tranquille apte à faire ressentir le sentiment de bonheur et de plénitude.
On peut suivre pas à pas à la trace la mise en place tragique de ce régrès dès les premières créations de cités-états en Mésopotamie il y a 6 000 ans, puis étudier la contamination par ce cancer létal qu’est l’État sur toute la surface de la Terre. Car dès ces premières cités orgueilleuses du Moyen-orient, avec ces délirantes « ziggourats » (l’orgueil de la tour la plus haute à l’origine du mythe de la tour de Babel) juste pour en imposer aux cités concurrentes, la folie de
l’« hubris », de la démesure , était en place, ébauche de ce qui deviendra le techno-totalitarisme dont nous sommes les malheureux contemporains ! (lire de Marc Weinstein : « L’évolution totalitaire de l’Occident », éditions Herman 2015). On notera que le Moyen-Orient persiste à jouer au concours des plus hautes tours : la Makkah Clock Royal Tower à la Mecque, 601 m, finie en 2012 ;la tour Burj Khalifa, à Dubaï, 828m, terminée en 2010 ; la Kingdom Tower, Arabie saoudite, 1001m, sera finie en 2018 !
Sauf si la force du contre-récit actuellement en cours de rédaction portait ses fruits en jetant à la poubelle la construction mythique par laquelle depuis des milliers d’années le monde des Puissants tente de se justifier et de s’imposer aux masses crétinisées.
Contre-récit qui pourrait être capable - ( à la veille de la destruction des conditions biologiques d’habitabilité de cette planète, et donc d’extermination de tous les êtres pluricellulaires) - de nous tétaniser brutalement au point de nous réveiller, de nous sortir de notre torpeur et de nous engager résolument dans la voie courageuse de la contestation radicale (jusqu’aux racines) du Grand-Récit du progrès par la technique, autant comme méthode de plus en plus cruelle de gouvernement des êtres humains auparavant soigneusement ethnocidés, liquéfiés, atomisés, massifiés pour obtenir la « vie liquide » (Zygmunt Bauman, ed. du Rouergue 2006) qui facilite la gouvernance technocratique automatisée, que comme méthode de production d’artefacts matériels pour doper encore et toujours plus la production de « biens » (à nommer désormais « maux ») au seul service du commerce, source d’enrichissement des Puissants dont l’appétit psycho-pathologique est insatiable depuis 6 000 ans…
Contre-récit menant au réveil des endormis de la « Société de consommation », c’est à dire celle où nous sommes sommés d’être… cons, réveil face à ces 6 000 années de cauchemar stimulant une soudaine révolution, une modification renversante de la situation un peu comme on tombe du lit, tiré soudain du sommeil par un rêve fulgurant.
Trop tard pour la gentille et insipide « transition » !
Osons à nouveau le mot « révolution » !
Il faut se faire violence pour faire sauter tous les verrous soporifiques qui nous empêchent de mettre vite hors d’état de nuire, un à un, chacun de ces puissants qui, à la tête de multinationales criminelles, empoisonnent tous les écosystèmes et bouleversent le climat. Les personnes qui détruisent les conditions d’habitabilité de notre biosphère nous terrorisent : ce sont eux les terroristes les plus dangereux. A nous d’avoir le courage de les mettre par tous les moyens hors d’état de nuire. (lire Peter Gelderloos : « Comment la non-violence protège l’Etat » (sur internet= voir ici la note (2)).
Ce courage peut être dopé par le travail de sape donnant naissance au nouvel imaginaire en cours de construction grâce aux efforts de toutes celles et de tous ceux qui contribuent à défaire l’Histoire et la mythologie dont se gargarisait le monde des Puissants depuis de trop nombreux millénaires.
Mais là aussi, il ne faut pas généraliser : seules quelques régions du monde, notamment en Europe, sont concernées par un triste passé d’horreurs pluri-millénaires, mais il reste encore des peuples qui résistent aux extrémités du monde colonisé, par exemple ces 95 peuples qui échappent totalement à l’occidentalisation dans les franges amazoniennes du piémont andin, grâce à la stratégie de l’isolement volontaire, ou cette île du sud de l’archipel des Andamans, jamais envahie, ou, encore mieux, ces petits peuples qui ont connu un début d’occidentalisation, mais n’ont pas finalement cédé aux sirènes de la modernité et ont décidé d’abandonner tous les signes de la vie nouvelle pour reprendre résolument l’ancien mode de vie : cas des Saa de l’ île de Bunlap au Vanuatu…
Mais comme la circulation atmosphérique ne connait pas de frontières, même ces peuples courageux sont victimes des effets globaux du Mégalocène, cette nouvelle époque géologique succédant aux temps post-glaciaires de l’Holocène.
Quelques humains (et non tout « anthropos » : erreur du chimiste et géo-ingénieur Crutzen avec son concept stupide d’« Anthropocène » !) ont enclenché il y a 6 000 ans la folie des grandeurs, donc le Mégalocène, et hélas ce tropisme pour la richesse et la puissance semble se généraliser jusqu’à l’ultime folie : exterminer toute la vie sur Terre, ce qui pourrait arriver simplement en continuant à sortir de terre tout le charbon, le gaz et le pétrole au nom du classique « business as usual » comme le démontre le climatologue James Hansen dans « Climate sensitivity, sea level and atmosphéric carbon dioxide » le long article de « Philosophical transactions of the Royal Society » de septembre 2013 où l’on voit que si les sociétés industrielles brûlent toutes les réserves d’énergie fossile, la moyenne mondiale de la température terrestre s’élèverait de 16° en 2100, donc de 24° sur les continents et de 30° dans les régions polaires : aucun vertébré ne survivrait à une telle élévation de température ! Malgré ces avertissements, les chefs d’Etat continuent à ne parler que d’ « exploitation » et se contentent de gommer quelque peu la violence du mot « exploitation » par l’adjectif passe-partout « durable ». Par le biais de son ambassadeur chargé des océans, Serge Ségura, et du responsable du droit de la mer au Ministère des Affaires étrangères Olivier Guyonvarch, la France vient d’accroître son domaine maritime à exploiter de 579 000 km2 le 28 septembre 2015 et d’immédiatement accorder un nouveau permis de forage d’hydrocarbures dans le canal du Mozambique près de l’île de Saint Juan de Nova. Pas question d’en faire une « aire marine protégée » car « on ne protège bien que ce qu’on utilise » se plaît à répéter O. Guyonvarch qui adore le mot « exploitation ». Jusqu’au bout ! Jusqu’au fond des océans ! La France prépare déjà de nouvelles extensions de ses propriétés souveraines sous-marines du côté de la Polynésie : l’Ifremer s’y active avec son expert Benoît Loubrieu au service du plan « Extraplac » et du plan "Polyplac" de mainmise des entreprises sur les fonds marins, au prétexte des « besoins grandissants » des humains qui seront « 9 milliards en 2050 ». Toujours la même rhétorique perverse !
« ce tropisme pour la richesse et la puissance semble se généraliser » : à nous de faire mentir cette impression, ce prétendu tropisme !
Comment ? Quelle stratégie ?
En donnant de la force au Grand Récit alternatif ou cet autre "narratif" qui doit nourrir le besoin impérieux d’ insurrection.
Même le gentil Cyril Dion (revue "Kaizen, construire un autre monde... pas à pas" et le mouvement "Colibri" dont il est co-fondateur) admet que le cœur de sa stratégie repose sur la mise en place discrète mais ferme d’un "narratif", d’un "storytelling", d’une histoire malicieusement et volontairement charpentée pour travailler de l’intérieur l’imaginaire des gens, surtout ceux que certains nomment les "vrais gens", a-priori loin de toute conversion à la vie militante ; ou l’art d’introduire le tout début d’une prise de conscience écologique en jouant sur les petites étincelles de lucidité qui éclairent malgré tout les cervelles les plus barricadées par la "cuirasse caractérielle" que décrivait Wilhem Reich. Le but d’un film comme "Demain" (aux 800 000 entrées déjà en février 2016 !) est de se mettre à la portée des débutants, et non de s’adresser à une élite déjà très informée. Beaucoup de personnes qui sont fières de se définir comme "non politisées" estiment faire partie des gens raisonnables, fiers de leur calme, de leur capacité à rester de marbre face aux vociférations à la "Mélenchon", préférant écouter des sages, comme Pierre Rabhi, en pensant qu’il est digne de confiance car il ne "fait pas de politique" ; sauf que précisément cet ancien ouvrier parisien devenu paysan dans les Cévennes dès 1961 est un homme politique si subtil qu’il n’apparait pas en tant que tel ; il utilise de façon experte la tactique théorisée par Gramsci, en attaquant l’inconscient des gens très en amont. Cyrille Dion est lui aussi partisan du détour gramscien pour parvenir à l’essentiel : convaincre en douceur, mine de rien, les gens de changer leur mode de vie : les "écologiser" presque à leur insu. Le contraire de la méthode "bulldozer" d’un Mélenchon ou d’une Marine Le Pen. Les écolos de longue date seront bien-sûr déçus par les accents à "l’eau de rose" du (trop) gentil film "Demain". Mais il est plus utile politiquement de convaincre les milliers de personnes qui étaient loin de l’écologie que de s’adresser avec un certain orgueil puriste au petit nombre, à l’élite. Mais ceux-là ont un tel niveau de prise de conscience qu’on peut leur faire confiance : ils en savent assez pour découvrir eux-mêmes les informations qui vont galvaniser leur soif de vraiment critiquer drastiquement ce monde qui nous mène cyniquement droit dans le mur.
Par contre, les autres auront besoin des "gentils documentaires" de Cyrille Dion, Marie -Monique Robin ("Sacrée croissance"), Jean-Paul Jaud ("Libres") ou de Colline Serreau ("Solutions locales pour un problème global") pour découvrir les alternatives à ce monde qu’ils ressentent confusément comme mortifère, dans leur "quête de sens", pour reprendre le titre de cet autre film qualifiable également de "bisounours", celui de Marc de la Ménardière, puisqu’il va même jusqu’à prétendre que changer la société est impossible et que donc il faut se contenter de se changer soi-même en se repliant sur le développement personnel et la vie intérieure ! Étrange retour à l’apolitisme des "babas-cools" qu’on avait vu surgir dès 1975 au sein d’une génération déçue de ne pas voir arriver la révolution plus vite, sur la lancée de "mai 1968" ! Cette impatience des adolescents de mai 68 fut mauvaise conseillère. Elle a fait tomber d’une extrême excitation à un extrême abattement, comme on le voit dans le film de Romain Goupil "Mourir à trente ans" (1982).
J’espère que les temps sont venus d’une maturité plus grande, avec cette fois le courage de maintenir résolument le cap vers la révolution nécessaire, et il faudrait même dire vitale, étant donné que les problèmes ne sont plus seulement sociaux comme du temps de Marx ou de Proudhon, mais qu’ils ont atteint en plus une dimension écologique dantesque puisqu’il s’agit désormais de couper court à la Sixième extinction massive des espèces, y compris la nôtre, comme le souligne James Hansen !
C’est alors que la gentille ambiance "bisounours" des films évoqués plus haut nous préparent mal à la tragédie qui nous attend ! On ne pourra faire l’économie d’un choc frontal avec les oligarchies cupides, que l’addiction à l’enrichissement insatiable va rendre intraitables. Elles emploieront les moyens les plus furieux pour maintenir leurs privilèges. On les voit déjà utiliser la rhétorique de la "Stratégie du choc" si bien révélée par Naomi Klein avec par exemple la mise en place avec une sidérante facilité de l’état d’urgence, notamment en France ! Il faut se préparer à l’affrontement inéluctable. Se contenter de "vie intérieure" est aussi inutile maintenant qu’en 1940 face à l’invasion nazie ! Il n’y a là que lâche repli nombriliste, fuite dans l’illusion de son petit confort personnel, qui ne peut mener qu’à une attitude de "collabo" comme du temps du Maréchal Pétain !
Le temps de la Résistance est revenu ! Le temps du Maquis.
Et plus on sera nombreux, plus on aura de chances d’en sortir victorieux ! Peut-être que dans un premier temps, pour grossir nos troupes, il faut passer par un travail de fond, moins direct, plus subtil, et c’est un peu celui qui se passe avec un film aux apparences gentilles comme "Demain" ! On peut donc considérer que les spectateurs qui se précipitent si nombreux pour voir ce documentaire sont le terreau fertile, le socle sur lequel s’appuyer, le premier niveau de la prise de conscience. A nous d’être assez pédagogues pour aider ces débutants à ne pas en rester aux simples "petits gestes", à dépasser le stade "colibri" pour accéder aux niveaux supérieurs de la sagacité critique radicale un peu à la façon de l’École de Francfort au milieu du XXe siècle, travail continué en France par la revue "Illusio" ou la revue "L’inventaire" (n° 3 paru début 2016) et les éditions "La Lenteur", "Libre et Solidaire", "Le Passager Clandestin", "Le Pas de Côté" ou "L’Echappée"...
Ainsi de ce terreau germeront les graines qui produiront les combattantes et combattants déterminé(e)s et courageux (ses) de ... demain ("Demain" ?) . Non ! c’est dès aujourd’hui qu’il faut agir, et vite, car nous ne vivons pas une simple crise, nous sommes bien, et il faut le marteler, dans la phase finale de l’agonie terminale ! Il y a urgence car le filet orwellien de la surveillance généralisée (lire "L’ Empire de la surveillance", ed. Galilée 2015 d’ Ignacio Ramonet) est entrain de se refermer à grande vitesse, équipé désormais de moyens électroniques qu’ heureusement Hitler et Staline ne possédaient pas encore !
Le totalitarisme qui tisse sa toile maintenant est d’autant plus efficace qu’il utilise tous les moyens (les écrans en tous genres, les fils aux oreilles) pour rendre les gens béats et heureux dans leur cage dorée, à coups de divertissements et de distractions pour "offrir par exemple à Coca Cola du temps de cerveau disponible" selon le célèbre mot de Patrick Lelay.
Demain, il sera trop tard !
Si j’évoque plus haut des "combattants", c’est bien parce qu’ il faut nous remettre psychologiquement dans l’ambiance dramatique et dangereuse de la Résistance, et non en rester à d’insipides et gentils "stages de développement personnel" et autres bisounourseries, tant la situation est grave ! Prendre le Maquis n’est pas une parole en l’air ! Il s’agit effectivement de constituer des groupes de combattants qui finissent par avoir les mains calleuses à force de manier en paysans les outils des multiples travaux manuels de l’auto subsistance dans les espaces interstitiels qui échappent encore au cancer de l’agriculture industrielle. Il s’agit à la fois d’assoir notre indépendance économique en situation de dissidence et de boycott de ce qui vient de la Société de Consommation, cette société où tout consommateur est bien "sommé d’être...con ! ", et à la fois d’expérimenter en groupe des modes de vie révolutionnaires, conviviaux, esquisses en miniature de ce qu’on espère vivre à plus grande échelle au fur et à mesure de nos victoires pour convaincre de plus en plus de gens à "faire un pas de côté" comme l’illustrait le magnifique film de Jacques Doillon (1973) "L’ An 0 1" à partir de la BD de Gébé, de Charlie-Hebdo. Choisir la sécession, en prenant le maquis, c’est construire des lieux alternatifs où nos enfants seront protégés, au lieu d’être "dressés" dans les écoles tels des animaux de cirque pour devenir des "collabos", c’est à dire des simples pièces fonctionnant dans l’un ou l’autre des rouages de la "Mégamachine" dénoncée par Lewis Mumford hier et Serge Latouche aujourd’hui. Mais ces bases de repli des maquisards ne sont pas là que pour "se la couler douce", ce sont des bases de repli stratégique, où nous refaisons nos forces afin de relancer des attaques rapides et efficaces contre le "Système", donc contre le monde industriel , qu’ils soit aux mains d’idéologues de gauche ou de droite. Nous mesurerons notre efficacité
1°- non seulement par notre capacité à détruire les capacités productives des pollueurs, et à rendre la vie impossible aux investisseurs et autres goinfres aux manettes de la finance internationale, en les harcelant sans relâche, car toutes les adresses où ils se cachent, leurs résidences principales ou non, seront rendues publiques dans nos réseaux de rebelles en état d’insurrection ;
2°- mais aussi parce que, à la fin de chacune de nos attaques astucieuses et rapides de type "guérilla", attaques suivies de nos replis vers nos montagnes et autres lieux isolés mais magnifiques, où la nature est encore somptueuse, nous emmènerons avec nous des collégiens des lycéens , des étudiants, des apprentis qui ont pris conscience de l’absurdité de la vie dans le monde moderne. Parmi ces fugueurs, il y a aura bien-sûr aussi des personnes plus âgées, et même des ex "collabos" qui soudain se sentent une vocation de "renégats" et basculent brusquement dans la vie révolutionnaire et joyeuse.
On trouve à ce sujet sur internet le tract subversif écrit en 2007 par un célèbre documentariste de la mouvance anti industrielle : site = endehors.net/news/avertissement-a-l-adresse-des-lyceennes-et-lyceens/ que j’aime surtitrer de façon provocante : "Lycéen, passe pas ton bac" !
Dans le plus beau style "agit’ -prop", nos irruptions dans cette société industrielle consisteront aussi à organiser partout des débats renforcés par la projection de films contestataires capables de soulever les foules d’enthousiasme, tant il est facile de mettre le doigt où ça fait mal : réveiller la profonde douleur du mal-être immanquablement ressenti lorsqu’on est encaserné dans la vie urbaine ou le triste sort du salarié. Montrer par nos films et nos conférences, nos prises de paroles impolies, surtout là où cela "ne se fait pas", que l’ "ouvriérat" est un crime contre l’humanité au même titre que l’esclavage. Une vie digne d’être vécue ne peut se passer à l’usine ou au bureau !. Et donc il est inutile de se préparer à cette vie absurde en cherchant à obtenir des diplômes dans leur système scolaire. Refusons toute insertion ! Soyons des "refuseurs d’emploi" ! Vive le chômage, puisqu’ étymologiquement, cela signifie "faire la pause aux heures chaudes du milieu de journée"... Déclenchons la fugue générale ! Que tout le monde déserte !
Plus que de lente et timide "transition", il faut parler de bouleversement et de basculement. La gravité de l’écocide (et de l’ethnocide) exige ces soudains changements de mode de vie.
Et pas "demain" !
Aujourd’hui !
Blanc Cimarron
Notes
(1)
Ce titre fait bien-sûr allusion à l’article fondateur de l’historien médiéviste Lynn White paru dans Science le 10 mars 1967 pages 1203-1207 : "The Historical Roots of our Ecological Crisis" qui est le texte de la conférence qu’il prononça le 26 décembre 1966 à Washington devant l’American Association for the Advancement of Sciences. La meilleure traduction en a été faite par Jacques Grinevald, avec force notes et tout un chapitre pour commenter ce texte dénonçant le monothéisme biblique comme cause première de l’hérésie anthropocentriste qui a mis fin hélas à des millénaires de visions du monde biocentristes, hérésie qui a conduit ses adeptes à ne plus se sentir obligés de respecter l’ensemble des êtres vivants, Dieu plaçant l’espèce humaine au dessus des autres.
Cette traduction commentée est parue pages 13 à 67 du livre "Crise écologique, crise des valeurs ?" dirigé par Dominique Bourg et Philippe Roth en 2010 aux éditions Labor et Fides (Suisse).
(2)
Plusieurs sites permettent de lire l’essai de Peter Gelderloos en français, pour le moment l’introduction et les chapitres "1" et "4", notamment :
http://partage-le.com/2015/08/comment-la-non-violence-protege-letat-introduction-p-gelderloos
avec en plus un passage de "End-Civ" concernant les mythes et réalités au sujet de Gandhi, de la non-violence et des longues luttes pour l’indépendance en Inde .
Pour le chapitre 1 : arretsurinfo.ch/authors/peter-gelderloos 12 fev 2016
Pour le chapitre 4 : https://violenceparfoisoui.wordpress.com
contact de Thierry Sallantin :blancimarron@gmail.com voir aussi les articles de la revue « vert et noir » : http://anarchieverte.ch40s.net/2014/01/les-verts-de-rage/ et //anarchieverte.ch40s.net/vert-noir/=cliquer sur le n° 2 pour lire « Agroécologie, nouvel oxymore », description de la permaculture pratiquée par les Yanomami en Amazonie en ne travaillant que 3 H par jour ! Article récemment mis à jour sous le titre : "Permaculture, agroécologie, jardins-forêts : des pratiques millénaires" sur le site "partage-le.com".Sur ce site aussi : "COP 21 : le mot "décroissance" fait très peur au Figaro" . Sur le site agoravox, plusieurs articles de Thierry Sallantin ("La conférence internationale de Rio sur l’environnement" avec 138 références biblio ; "L’art de traduire « sustainable development ", « Marre des économistes » ; « Vive la pauvreté »… Tous ces textes contre la notion de « développement » à remplacer par la notion d’ enveloppement, et contre la civilisation, notion raciste inventée par Mirabeau en 1756 pour mépriser les sauvages, à remplacer par la multiplicité des sylvilisations : art de vivre de façon soutenable grâce à une très faible empreinte écologique : cesser l’indignité qui consiste à vivre comme des animaux domestiques, et préférer la vie libre et sauvage ! C’est cette vie que j’ai pratiquée une trentaine d’années (1971-2000) en partageant comme ethnologue la vie de peuples très éloignés du mode de vie occidental, au Sahara, dans des endroits isolés d’Europe ou encore en Amazonie : voir les 32 photos sur le blog : bonheursauvage.blogspot.com, en cliquant sur "2009 (8) . Vidéos sur Deep Green Resistance France, en particulier celle où je suis interviewé juste à la sortie au Salon "Marjolaine" de 2015 de l’avant-première du film de Marc de la Ménardière : "En quête de sens", film qui m’a mis en colère comme beaucoup de conférences à ce salon car elles illustrent de façon caricaturale l’invasion du "green washing" avec par exemple cette insistance à se gargariser à tous moments du terme "innovation" (alibi de la fuite en avant qui garantit le maintien coûte que coûte du culte du progrès) ou à parler d’ "économie collaborative" comme dans nombre de livres des éditions Yves Michel ! A voir aussi, sur YouTube : End-Civ, documentaire de Frank Lopez sur Derrick Jensen pour en finir avec la civilisation et youtube.com/watch ?v=NgMS73kGEcs , ou www.lynxvilden.com pour le documentaire d’Eric Valli :
« Lynx, une femme hors du temps ! », documentaire qui illustre un des chapitres de son livre "Rencontres hors du temps" (ed. La Martinière) , livre qui donne quelques exemples de ce 1 million de personnes en Amérique du Nord (chiffres donnés par Nick Rosen dans "Off the Grid") qui ont choisi de façon extrême de tourner le dos à la modernité puisqu’elles optent pour un style de vie carrément paléolithique !
Le texte ci-dessus est repris en partie sur plusieurs sites sur internet sous le titre : « Les peuples contre l’État, 6 000 ans d’évolution totalitaire », par exemple sur "partage-le.com" , mais la dernière partie , intitulée ici : "Comment ? Quelle stratégie ?" est inédite.
Forêt de Montmorency, (où se trouvent toutes les archives des anarchistes naturiens, ces "écolos" avant la lettre qui se firent connaître à partir de juillet 1894 à Paris !), le 23 mars 2016.