Vers la Grève Générale Généralisée
La Nuit Debout a remis à l’ordre du jour la perspective de la Grève Générale, avec pour premier objectif le retrait sans conditions de la loi « Travaille ».
En effet, si le retrait de la loi sera la victoire dont nous avons besoin, il ne pourra être obtenu que par l’élargissement du mouvement actuel et des formes d’actions permettant de faire plier le pouvoir. Cela s’appelle la Grève.
Mais ensuite ? Si nous obtenons le retrait de la loi, nous aurons certes fait un pas dans notre remise en cause du système, mais aurons-nous gagné pour autant ? Cela n’est pas certain, car une victoire peut-être aussi démobilisatrice qu’une défaite. On l’a vu en 1968 où la grève générale a débouché sur des acquis certes substantiels, mais aussi sur une démobilisation rampante et la remise en cause progressive des acquis obtenus. On l’a vu en 95 où le retrait du plan Juppé a clos le mouvement et débouché sur l’élection en 97 du gouvernement Jospin qui a mis en place une vague de privatisations sans égale et débouché sur le désastre électoral de 2002. On l’a vu en 2005 où la victoire du Non au référendum européen n’a pas été suivie de la mobilisation suffisante pour empêcher que les mesures qu’il proposaient ne soient imposées en contrebande par le traité de Lisbonne. On le verra si le retrait de la loi a pour conséquence la fin du mouvement et la poursuite de mesures qui sont d’ores et déjà plus ou moins appliquées.
Alors, que faire ?
Un retrait de la loi El Khomri ne pourra réellement constituer une victoire que si la grève générale qui l’aura permis se poursuit, et se généralise. Oui, ce dont nous avons besoin, c’est d’une GREVE GENERALE GENERALISEE à tous les secteurs de l’économie et de la vie.
Dans la perspective de la tenue de la Conférence Climat dite COP 21 à Paris, en décembre dernier, nous avons été quelques un(e)s, principalement militant(e)s du mouvement de la Décroissance, à lancer un appel à une Grève de l’Économie pour le Climat. Cet appel a alors recueilli peu d’écho, mais nous le relançons aujourd’hui, en lien avec l’actualité, persuadé(e)s qu’il prend d’autant plus d’importance dans la situation actuelle.
Ce que nous disions alors, c’est que l’économie capitaliste mène une guerre impitoyable contre le climat, contre l’écologie, contre la vie en somme. Que c’est cette économie, basée sur le cycle infernal extraction / production / distribution / consommation / déchets, qui marchandise tous les aspects de la vie, jusqu’à tenter de marchandiser le climat lui-même. D’où la nécessité d’arrêter le massacre. D’où la nécessité de la grève.
Nous disions que quand on utilise le mot grève, la majorité des gens pensent immédiatement arrêts de travail dans le secteur de la production ou dans le secteur public, principalement à l’appel et sous la direction des organisations syndicales, mais que ceci est une manière très restrictive de voir les choses.
La conception de la grève que nous proposions alors est bien plus large.
S’il ne s’agit pas d’une grève sans revendications, celles-ci ne peuvent pas viser à une “amélioration” de la situation de telles ou telles catégories sociales, ni même de l’ensemble du système. Il s’agit d’avancer des revendications dans le cadre de l’élaboration d’un programme alternatif, visant à en finir avec le système en remettant en cause ses fondamentaux et en proposant des alternatives :
face à l’exploitation de la nature et des ressources, la revendication du maintien des fossiles dans le sol, du désinvestissement des énergies issues de ces fossiles, et surtout de la baisse drastique de toutes consommations énergétiques, la meilleure des énergies étant celle qu’on ne consomme pas.
face à la mondialisation, à la financiarisation, une relocalisation des productions d’énergie, de nourriture, des biens matériels indispensables au plus près des territoires, et donc le rétablissement des souverainetés alimentaires, énergétiques et bien entendu démocratiques.
face au travail exploité, destructeur de la planète et de nos vies, la revendication du partage des tâches socialement utiles et de revenus décents liés à ces tâches.
face à l’inflation des technologies dures, destructrices de la nature et des liens sociaux, la promotion de technologies douces et soutenables.
C’est parce que cette grève générale doit être généralisée que ses modalités seront les plus variées possibles :
bien sûr et tout d’abord, il faudra des arrêts de travail, des blocages dans les secteurs de l’extraction, de la production, de la distribution des marchandises, mais aussi de la (re)production sociale (éducation, information...).
Mais il faudra aussi des actions de boycott, de remise en cause de la consommation, encore une fois sous la forme de blocages, et tout autant dans nos pratiques quotidiennes. Ainsi, il faudra une grève de la malbouffe. Si on réduisait notre consommation de viande ? Si on mangeait végétarien ? Si on consommait local ? Pour paraphraser Gandhi, les occasions ne manquent pas de nous nourrir simplement pour que simplement d’autres puissent se nourrir.
Il faudra aussi une grève des béquilles technologiques qui de plus en plus structurent nos vies. Éteignons nos portables, nos écrans, retrouvons-nous pour échanger de vive voix, comme cela se fait dans la Nuit Debout.
Et toutes autres formes d’actions que nous pourrons mettre en oeuvre, car plus les formes d’action s’inscrivant dans la logique de cette grève seront nombreuses et diversifiées, plus la remise en cause de l’économie sous sa forme actuelle prendra de la force.
En conclusion, loin de nous la tentation de proposer des formes d’organisation toutes prêtes. La grève générale généralisée, cela peut aller de la démarche individuelle, de la mise en pratique de la simplicité volontaire, du blocage symbolique au boycott actif, jusqu’à la généralisation des luttes.
Remarquons cependant qu’à l’occasion des grèves, il se constitue très naturellement des structures autonomes, sous la forme de comités de lutte, d’action... C’est à cela aussi que nous appelons, à la constitution de comités de grève, à tous les échelons, du local au global.